DJENNE SE COUVRE DE BRIQUES CUITES…

L’augmentation significative du nombre de maisons habillées en briques cuites dans la ville de Djenné ces dernières années et le risque subséquent d’une généralisation de cette pratique ont conduit l’association DJENNE PATRIMOINE en partenariat avec ACROTERRE à entreprendre d’analyser ce phénomène, afin de mieux pouvoir y remédier. C’est dans ce contexte qu’a été réalisée, en février 2008, puis entre janvier et mars 2009, la présente étude.

ENQUÊTE:

il s’agit d’une enquête de terrain effectuée en février 2008 par un enquêteur connaissant bien la ville. Chaque rue a été visitée et les maisons présentant des briques cuites apparentes ont fait l’objet d’une observation particulière, d’un relevé succinct et d’un questionnaire. Les données identifiées sont les suivantes :

·  nom du propriétaire

·  adresse

·  type de bâtiment

·  caractéristiques (dimensions)

·  date de construction

·  technique de construction

·  date de l’habillage en briques cuites

·  nom du maçon qui a réalisé les travaux

·  parties recouvertes en briques cuites

·  entretiens réalisés

·  état du  bâtiment

Des photos ont été prises entre janvier et mars 2009, mais de façon non systématique, essentiellement à fin d’illustration.

SYNTHESE DES RESULTATS :

Localisation :

Seuls les quartiers anciens de la ville ont été concernés par l’enquête. Le nouveau quartier de Tolober ne faisant  pas l’objet d’une réglementation spécifique destinée à protéger ou à affirmer l’identité et l’homogénéité architecturale et urbanistique du site, on y voit fleurir de nombreuses constructions en « dur » et des revêtements en briques cuites.

On constate que la « mode » des habillages en briques cuites n’épargne aucun quartier.

Types de bâtiments :

La quasi totalité des constructions couvertes en briques cuites sont des maisons d’habitation. A noter que plusieurs bâtiments publics du centre ancien sont construits en ciment (l’hôpital, la poste,…)

Hauteur des bâtiments :

Bâtiments en RDC : 61 (dont 21 dans le quartier de Kanafa de construction plus récente que le reste de la ville ancienne)

Bâtiments R + 1 : 88

Plus de 50 % des maisons couvertes en briques cuites sont à étage, ce qui signifie que le phénomène n’épargne pas les façades remarquables des maisons monumentales de type toucouleur et marocaines et que l’impact visuel est important

Date de construction :

Sur les 48 réponses obtenues (propriétaires absents, occupants ignorant l’époque de construction), la plupart des maisons sont récentes (1958 à 2007). Les réalisations pour lesquelles la date de construction n’est pas disponible, sont vraisemblablement plus anciennes.

Types de construction :

Tous les bâtiments identifiés étaient construits en terre, par contre il n’a pas été possible de distinguer avec certitude ceux construits en toubabou ferey (la grande majorité) de ceux réalisés en djenné ferey.

Date d’habillage en briques cuites :

Le premier habillage en briques cuites a été réalisé en 1973.

Années 1980 :               8/140          soit 5,7 %

Années 1990 :               20/140        soit 14,3 %

Années 2000/2004 :      42/140        soit 30 %

Années 2005/2008 :      70/140        soit 50 %

On constate une augmentation considérable du nombre des habillages en briques cuites ces dernières années puisque jusqu’en 1999 (soit sur une période de 26 ans) il n’y en avait que 28 alors que 112 ont été construits entre 2000 et 2008 (soit sur une période de 8 ans).

Maçons intervenants :

58 différents maçons ont réalisé des habillages de façades en briques cuites. Certains maçons ont réalisé plusieurs chantiers (jusqu’à 14), d’autres n’en ont fait qu’un seul. L’ensemble de la profession est concerné. Certains se sont même pratiquement « spécialisés » dans la technique d’habillage en briques cuites. Même si une grande partie des maçons ont aujourd’hui conscience des problèmes engendrés par cette pratique, ils estiment n’avoir pas souvent le choix et devoir respecter la volonté de leurs clients.


Parties du bâtiment recouvertes :

Façade Est : 73

L’ensemble de la maison : 46

Une partie de la maison (hors façade Est) :33

La majeure partie des habillages concerne les façades est (d’où vient la pluie battante), les autres parties exposées à la pluie telles que les sarafar sont aussi souvent protégées. Les gens qui disposent de moyens financiers importants n’hésitent pas à recouvrir l’ensemble de la maison y compris les façades de la cour intérieure.

Entretien/réparations :

Aucune réparation :                69 soit 45 %

Réparation annuelle :              31 soit 20 %

Réparations occasionnelles : 31 soit 20 %

Destruction complète : 3 soit 2 %

Sur les réponses obtenues, 45 % des façades habillées en briques cuites n’ont fait l’objet d’aucune réparation/entretien. Ce résultat est à relativiser considérablement puisque sur ce nombre seules 11 façades qui n’ont pas fait l’objet de réparations ont été réalisées avant 2003.  Autrement dit 84 % d’entre elles ont été réalisées il y a moins de 5 ans. Seul un bâtiment habillé avant 2002 n’a fait l’objet d’aucune réparation.

L’entretien est systématique après 5 ans. Dans les 3 cas de destruction totale, l’habillage a été remplacé par un enduit traditionnel.

Etat du bâtiment :

Bon état :                      85

Défauts :                       34

Mauvais état :                31

Travaux en cours :        2

Il convient de relativiser le « bon état » de l’habillage puisque 70 d’entre eux ont été réalisés il y a moins de 3 ans.

CONCLUSION:

La mode de l’habillage des façades en briques cuites a tendance à se généraliser, elle n’épargne aucun quartier qu’il s’agisse du petit patrimoine comme des maisons à façades monumentales.

L’impact visuel est important puisque ce sont aujourd’hui près de 10 % des maisons de Djenné qui sont touchées.

Le phénomène croit de manière exponentielle : 28 entre 1973 et 1999 (moyenne d’une réalisation par an), 112 entre 2000 et 2008 (moyenne dix fois plus élevée).

L’ensemble de la profession de maçon est concerné par cette pratique. Pourtant, outre le préjudice esthétique et la dégradation de la qualité du patrimoine

architectural conduisant à la perte de l’identité de la ville de Djenné, l’habillage des façades en briques cuites présente des inconvénients majeurs sur le plan technique (faible durabilité, problèmes d’infiltration, fragilisation de la structure du bâti à long terme), comme sur le plan économique (beaucoup plus coûteux que le meilleure enduit traditionnel, moins intensif en main d’œuvre, privant les maçons d’une source de revenus réguliers).

Alors même que la ville est classée « Patrimoine mondial de l’humanité » depuis 1988 et que plusieurs projets d’aménagement et de réhabilitation du patrimoine ont été réalisés, la situation du patrimoine architectural de Djenné ne cesse de se dégrader.

Ces mauvais résultats amènent à s’interroger sur la réelle volonté de l’Etat –ou sur la capacité des institutions nationales et internationales– à assurer la protection de ce patrimoine. Ce patrimoine est en danger ! Des actions urgentes s’imposent….

Elles peuvent être menées à moindre coût par les organisations locales comme le barey ton et DJENNE PATRIMOINE, …encore faudrait-il leur en donner les moyens….

2 Réponses à “DJENNE SE COUVRE DE BRIQUES CUITES…”

  1. fatou Dit:

    je m appele fatou je suis malienne et vus a djenne mon kartier s appelle kanafa j aime ma ville djenne et salu toute les djenneke mes familles .djenne est tune ville de tuoriste.et je suis en españa merci

  2. Boubacar Cissé Dit:

    Je suis originaire de Djenné et Sécretaire Général de L’association DJENNE PATRIMOINE,nous sommes contents et fiers de travailler avec Acroterre et Le Barey Ton, car en ce moment nous sommes en plein chantier sur la maison du Patrimoine et nous continuons toujours à sensibiliser les propriètaires de maison à Djenné afin de protéger ce riche patrimoine mondial.Je suis Historien Archéologue et Professeur d’Histoire et Géographie au Lycée de Djenné.

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